Entretien avec Christophe Bertrand, Gérant de la Reine Astrid et l’un des initiateurs du « Club des Chocolatiers Engagés »

Quel est le rôle de la fermentation dans la fabrication du cacao et pourquoi est-elle si importante ?

Tout l’enjeu de la fabrication du cacao repose, selon moi, sur la fermentation.
90% du cacao mondial est mal fermenté ou pas fermenté. 

D’un côté, faute de moyens ou de capacité à travailler ensemble, les paysans font cela dans des conditions basiques qui ne permettent pas une homogénéité de qualité : au milieu de leur plantation, sous des feuilles de bananier puis sèchent les fèves au milieu des champs, sur une tôle ondulée, voire sur le goudron au bord d’une route.
La fermentation est pourtant responsable de 70% de la qualité d’un chocolat. Si cette étape n’est pas bien réalisée, les notes de cacao ne seront pas de qualité.

De l’autre côté, les coopératives de fermentation s’organisent petit à petit : les planteurs y amènent leur cacao où la récolte est faite par des équipes spécialisés qui cueuillent de façon homogène des cabosses à maturité qui sont ensuite mises à fermenter dans des caisses en bois, équipées de thermomètres afin de contrôler la température. Les feuilles de bananier disposées sur les fèves empêchant l’air de circuler (fermentation alcoolique) vont apporter les levures et les bactéries nécessaires à la fermentation. Après 48 h, le cacao va être brassé chaque jour pendant 3 à 4 jours pour introduire de l’oxygène et transformer l’alcool en acide acétique.
C’est bien cette fermentation, ainsi réalisée dans de bonnes conditions, bien plus que la variété végétale qui va donner le goût au chocolat et donc multiplier par 2 ou 3 le prix payé aux cacaoculteurs.

L’enjeu, pour le consommateur, est de comprendre le cacao qui a été fermenté et celui qui ne l’a pas été.

Dans cette optique, quels conseils donner aux consommateurs de chocolat ?

Quand l’origine géographique n’est pas mentionnée sur le chocolat, et notamment le chocolat noir, c’est mauvais signe ! Cela signifie que le cacao n’est pas de bonne qualité, qu’il vient de plusieurs endroits différents, et l’indice majeur est qu’il y a eu ajout d’arômes de vanille du coup pour pallier l’absence de goût.
Le consommateur doit comprendre que le cacao non ou mal fermenté a été acheté sur la valeur d’un cours de bourse avec plein de petits intermédiaires qui s’enrichissent sur le dos du planteur.
Si les industriels achetaient une origine, la demande serait différente, les négociations seraient différentes et les planteurs gagneraient mieux leur vie.
Ce qu’il faut dire à chacun, c’est que lorsqu’ils vont dans les supermarchés, il faut être vigilant sur l’origine du cacao. Sans origine, les gens qui le produisent n’en vivent pas. Il faut donc privilégier des chocolats qui ont une origine (un pays voir encore mieux, une coopérative) ou, a minima, une marque de commerce équitable comme Ethiquable ou Alter-Eco qui sont des marques qui aident les coopératives à fermenter et paie 2 fois et demi plus cher le cacao.

 

Vous avez co-initié le Club des Chocolatiers Engagés, en quoi consiste-t-il ?

C’est une association créée par des artisans passionnés dans laquelle les producteurs sont placés au cœur du processus de création et de transformation du cacao pour obtenir un cacao de qualité, responsable et dans le respect de l’environnement, des femmes et des hommes qui participent à son élaboration.

Dans cette démarche, ce sont les planteurs qui déterminent le prix pour pouvoir en vivre et pas nous qui négocions et qui établissons un prix qui nous arrange :
Par exemple, au Cameroun, nous avons participé à l’organisation de 7 coopératives avec 700 hommes et femmes qui y travaillent. Les prix sont fixés par eux-mêmes à 1750 Cfa le kg (contre 800 voire moins pour du cacao acheté bord champs). L’argent versé a la coopérative est distribué en deux fois aux planteurs pour leur faciliter l’épargne et l’inscription de leurs enfants à l’école, en pleine période de « vaches maigres ».
Consommer du chocolat responsable, y compris acheté en supermarché, c’est manger moins de chocolat mais de bonne qualité, mais aussi favoriser et encourager les conditions de vie de celles et ceux qui, dans les pays en voie de développement, le travaillent.

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